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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science
7 juin 2020

Hydroxychloroquine, confinement, coronavirus : vous avez dit scientifique ?

 

La lutte fait rage entre les partisans de l’utilisation de l’hydroxychloroquine pour soigner le covid19 et ses détracteurs. Respectant mon engagement de rester autant que possible dans un esprit scientifique, je me garde de prendre position dans cette controverse, n’ayant aucune compétence et aucun moyen de le faire. Ce qui m’intéresse, c’est cet us, et surtout abus, du terme « scientifique », de la part, en particulier, de ceux qui se réclament de la SCIENCE. Cette dernière est invoquée comme la vérité suprême, qui départage infailliblement les adversaires comme Saint Louis rendait la justice sous son chêne.

 

Or de quelle science s’agit-il ? De celle qui utilise des modèles mathématiques pour valider l’utilisation d’un médicament, ou pour prévoir l’évolution d’une épidémie, en utilisant des très grosses quantités de données. Les modèles en question reposent sur des théories mathématiques dont la validité n’est pas à prouver. L’énorme machinerie mathématique que constituent, entre autres, le calcul des probabilités et l’analyse des données, repose sur des déductions logiques appuyées au départ sur un formalisme – celui de la théorie des ensembles – extrêmement solide. Autrement dit, on peut faire totalement confiance à ces modélisations théoriques : elles sont aussi fiables que la formule calculant le volume d’une sphère de rayon r (4/3 π r3). Encore faut-il s’en servir correctement. Ces modèles donnent des résultats numériques à partir de données, également numériques. La justesse des résultats dépend donc de la pertinence des données. (si vous avez mal mesuré le rayon de la sphère, le volume sera faux bien que le formule soit juste). Il y a plusieurs biais, entre autres :

  • Le mauvais recueil ou une approximation trop grande. Par exemple, dans la modélisation de l’épidémie covid19 (et d’autres) intervient le coefficient R0, nombre de personnes qu’une personne donnée est susceptible de contaminer. On évalue très grossièrement un coefficient moyen. Or il est évident qu’il y a des différences immenses selon les individus. Des hommes politiques comme monsieur Devédjian ou monsieur Goasguen, rencontrent beaucoup de monde, serrent beaucoup de mains et sont donc exposés nettement plus que la majorité de la population. Les médecins sont particulièrement exposés et ont donc une plus grande probabilité d’être contaminés. Le fait d’utiliser une moyenne alors qu’il y a d’énormes variations est très discutable et peut donner des résultats eux aussi approximatifs.
  • L’instabilité par rapport aux données. Il se peut qu’une toute petite variation des données provoque une grande variation du résultat. Le fait est connu en météorologie. La plupart des équations mathématiques régissant des phénomènes naturels sont dans ce cas. Si vous lancez une boule de pétanque avec une vitesse et un angle connu, le modèle mathématique prévoit de façon très exacte l’endroit ou elle va tomber, mais ne peut prévoir ce qui sortira de l’éclatement du jeu dans lequel tombe la boule ; une infime variation pourra conduire à ce que le tireur gagne la partie, ou la perde. La trajectoire de la boule correspond à une solution stable de l’équation du mouvement, mais le résultat du choc sur les autres boules et le cochonnet est un phénomène chaotique, très instable par rapport aux données.
  • L’intention de l’utilisateur du modèle et les bénéfices personnels qu’il peut retirer des conclusions. Eh oui, la science est pratiquée par des humains, qui ont des motivations, très rarement neutres.

 

Quels sont les biais qui ont conduit le célèbre épidémiologiste et mathématicien de l’Impérial College, Neil Ferguson, à prévoir 550 000 morts en Grande Bretagne ? Je ne sais pas. Je pense par contre pouvoir affirmer que cette erreur ne vient pas de son modèle, mais de la manière dont il l’a utilisé. Il ne s’agit pas d’une erreur de la science, mais d’un professionnel du milieu scientifique, et surtout l’erreur de ceux, parmi les plus grands décideurs de ce monde, qui l’ont cru comme on croyait autrefois les oracles. Cette erreur a causé une panique conduisant à des décisions, comme le « confinement », qui sortaient complètement du processus scientifique.

 

Revenons à l’hydroxychloroquine. Avant de mettre sur le marché un nouveau médicament, on procède à des essais sur des individus humains (après de nombreuses précautions). Ces essais comparent l’efficacité du produit sur un groupe de personnes, en comparant avec un groupe témoin ayant pris un placébo. Cette méthode repose sur une postulat statistique : on peut effectivement trouver deux groupes identiques dans leurs caractéristiques, ce qui n’est pas une évidence ; il y a donc un présupposé assumé par la communauté pharmacologique ; on est dans un processus scientifique. Dans le cas de l’épidémie actuelle, une telle étude est tout simplement impossible, d’abord parce qu’on n’a pas le temps, puis pour des raisons éthiques. L’académie de médecine explique très bien pourquoi : « les prises de positions passionnelles, voire compassionnelles, en faveur de l’hydroxychloroquine avant tout essai comparatif ont été si nombreuses, et les pressions si fortes dans un contexte anxiogène, que les patients n’acceptaient d’entrer dans l’essai qu’avec la certitude de ne pas être inclus dans le bras placebo, ce qui est incompatible avec le principe même de l’essai contrôlé. »[i]. Il est donc impossible, en utilisant les méthodes classiques (et de bonne qualité) de prouver l’efficacité de ce médicament sur le covid19. Cela ne signifie nullement qu’il est inefficace et encore moins qu’il est dangereux.

 

En l’absence de telles études, le professeur Raoult a eu une démarche scientifique, compatible avec son objectif de médecin : soigner sans nuire. Sachant parfaitement qu’il n’avait pas le temps, et la possibilité, de faire une étude « randomisée » il a utilisé un médicament qu’il connait très bien et dont la dangerosité est faible pour soigner des malades, tout en prenant les précautions nécessaires (examen cardiaque). Il n’a pas connu d’aggravation et de décès, mais beaucoup de guérisons. Selon le philosophe Enthoven[ii], cela ne prouve pas que ce soit le médicament qui les ait guéris, mais ceci est vrai de n’importe quel médicament : on ne sait jamais si le médicament est le seul responsable de la guérison, n’a aucun joué rôle ou si son action s’est ajoutée à la réaction du patient, ce dernier cas étant le plus fréquent.

 

Les études se sont multipliées, plus dans un but polémique que réellement scientifique. La plus célèbre, publiée par le célèbre journal The Lancet, a fait le bonheur des détracteurs de l’original savant marseillais. Le  même philosophe Enthoven ne manquait pas de railler le professeur et son médicament : « Avec une telle étude, ce ne sont plus les bénéfices mais les méfaits de la chloroquine qui sont en question. La question n'est plus désormais de savoir si l'hydroxychloroquine est efficace, mais de savoir si elle est toxique ou non ». L’annonce vient d’être faite[iii] par l’auteur principal de l’article, de son « mea culpa » pour avoir commis une erreur impardonnable dans un processus scientifique : il ne s’est pas assuré de la fiabilité des données (un des biais que je citais plus haut). L’article a donc été supprimé par The Lancet.

 

Cette mise au point montre l’honnêteté scientifique de son auteur et jette le ridicule sur ceux qui en ont fait des gorges chaudes, notre « philosophe »[iv] en tête, donnant des leçons de scientificité et incapable du scepticisme propre à l’esprit scientifique. Elle souligne aussi la précipitation des autorités françaises à interdire la prescription de ce médicament comme soin au covid19. Ayant un préjugé contre Raoult et sa quinine, le ministre et ses sbires se sont jetés sans précaution sur la fameuse étude comme sur une parole divine.

 

Les adorateurs de LA SCIENCE s’y réfèrent comme à une divinité lorsqu’elle les conforte mais se gardent bien d’y faire appel dans le cas contraire. Qu’aucune preuve scientifique de l’utilité du confinement n’ait été avancée ne les gêne pas. De plus en plus de publications remettent en cause les conséquences positives de cette aberration qui affaiblit notre économie, détruit des emplois, sacrifie l’éducation de la jeunesse.

Ces derniers événements portent-ils le discrédit sur la science ? Absolument pas ! Mais ils incitent le citoyen honnête à contrôler les affirmations péremptoires de ceux qui utilisent à mauvais escient ladite science pour duper le peuple. Comme je l’ai écrit le 9 avril, il suffit d’esprit critique, et de contrôle des sources, pour s’en rendre compte. Dans une situation grave comme celle de l’apparition d’une maladie nouvelle, le covid19, il est essentiel de distinguer l’intervention de trois types d’acteurs : les chercheurs scientifiques, les praticiens médicaux, et les décideurs politiques. C’est le télescopage entre les trois qui est la cause de la catastrophe du confinement. Ce sera le sujet du prochain article.

 

Les voix contestant le processus de confinement et la dangerosité du covid19 commencent à s’exprimer. Le site Covidinfo.net[v] en relate un certain nombre. On compte parmi les intervenants le professeur Jean François Toussaint[vi], le professeur Axel Kahn[vii], l’institut norvégien de santé public et autres sources dont le sérieux scientifique est difficile à mettre en doute.  

 

Le prix Nobel de chimie Michael Levitt se demande « comment avons-nous pu être dupés à ce point [viii]? ». Cette question mérite d’être traitée. J’y reviendrai dans quelques temps, en faisant référence à l’une des plus grandes théories de psychologie sociale, la dissonance cognitive de Léon Festinger.

 

 

 

 



[ii] L’express, 25 mai

[iii] Le Parisien, 5 juin

[iv] Il n’a pas hésité à comparer les gens qui soutiennent Raoult à ceux qui pensent que la terre est plate. Ces propos diffamatoires sont à l’opposé de l’esprit scientifique. En science, on récuse une assertion avec des preuves, on ne dénigre pas son auteur.

[vi] La recherche, op. cit.

[vii] Covidinfo, 1° juin

[viii] Covidinfo, 6 mai

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Commentaires
Bruno Décoret
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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science

Ce blog, initialisé le 9 avril 2020, a pour but un regard critique sur toutes les références faites à la science, par les acteurs politiques, médiatiques, ou autre. Il ne suffit pas de dire « c’est la science » ou « les scientifiques ont dit » pour être réellement dans un processus scientifique. La science ne peut se réduire à des incantations.

Dominique Beudin développe sur son site professionnel une résistance à la grave situation actuelle que connaît notre pays. C'est avec plaisir que je conseille sa consultation. BE-ST résitance.

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