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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science
19 avril 2020

Le « confinement » ne peut pas être une bonne solution.

Dans un précédent article, je tentais de montrer que le confinement à la française ne reposait pas sur une approche scientifique, autrement dit qu’on n’a pas le moindre début de preuve que ce confinement contribuera de façon prouvable à mettre fin à l’épidémie. Je rappelle que, pour moi, l’hypothèse qui est fondée : le confinement peut faire diminuer la contagion, ce qui elle-même peut contribuer à faire régresser l’épidémie. C’est donc le premier pas d’une démarche scientifique, mais seulement le premier ; la suite est absente.

Méfions nous des fausses conclusions.

D’avance, je voudrais mettre en garde contre les fausses preuves que risquent de nous annoncer après coup que, oui, le confinement a bien été nécessaire. Les virologues sont d’accord sur un point que leur expérience et les modèles mathématiques solides appuient : l’épidémie s’arrête lorsque le nombre de personnes qui ont été touchées par le virus et qui l’on maitrisé atteint un certain seuil ; pour le coronavirus actuel, ce serait environ 66%. Ce qu’on ne sait pas prédire, c’est le moment où ce seuil sera atteint et le nombre de personnes décédées auparavant, autrement dit le « prix humain » payé pour la fin. C’est ce « prix humain » que le confinement tente de faire baisser. Il sera donc extrêmement facile, lorsque l’épidémie sera finie, de se féliciter de l’efficacité du confinement, et ce quelle que soit la date. Si, au bout de 15 jours, la baisse s’était clairement amorcée, il y aurait eu une forte suspicion de l’efficacité (mais pas de preuve) et votre serviteur n’aurait plus qu’à conclure que son scepticisme était exagéré. Mais ce n’est pas du tout ce qui s’est passé et le confinement a été prolongé, de 15 jours, puis encore 15, enfin jusqu’au 11 mai : plus il devient douteux que la méthode fonctionne, plus on la continue, sans que la moindre remise en cause ne viennent tempérer la pensée unique.

 

Je fais une prédiction (attention ! ce n’est pas une preuve, mais une intuition, qui sera peut-être vérifiée, peut-être démentie) : quelle que soit la date ou l’on arrêtera le confinement, quel que soit le nombre de personnes décédées, et quel que soit l’état de l’épidémie à ce moment, les décideurs du confinement et leurs acolytes prétendus scientifiques concluront que c’est grâce à lui. A ceux qui remarqueront que la durée a été excessive et qu’il y a eu pas mal de décès, on répondra sans vergogne : « si l’on n’avait pas confiné, il y en aurait eu encore plus »  sans la moindre preuve évidemment. Je reviendrai sur ce fait.

Quelle preuve pourrait être donnée de l’efficacité du confinement ? Je ne sais pas. Je peux simplement dire que la méthode traditionnelle statistique consistant à comparer un groupe auquel on applique le protocole à un groupe témoin est impossible dans ce cas, à la fois sur le plan méthodologique (impossible de fabriquer les deux populations « au hasard » et de les suivre) et éthique (cela supposerait de ne rien faire sur l’un des groupes et de compter les morts après coup). Je suis incapable de proposer une méthode, et je pense que tout le monde est dans ce cas. Je voudrais montrer que, s’il était impossible de prouver que le confinement ne servirait à rien, un raisonnement pouvait permettre de ne pas se lancer dans cette catastrophe.

Le confinement est une méthode trop gigantesque pour être efficace

L’épidémie de coronavirus a fait, à ce jour du 16 avril, 17 167 morts depuis le 1° mars (science et avenir[i]). Cela correspond, en 45 jours, à la mortalité moyenne de 10 jours en cette période de l’année. C’est beaucoup et représente 0,025% de la population française. Il est clair (en tout cas pour moi) qu’il fallait prendre très au sérieux cette nouvelle maladie et y faire face en développant toutes les ressources médicales existantes, ce qu’ont fait avec succès plusieurs pays. Cela aurait probablement mis en lumière qu’elles étaient chez nous insuffisantes et aurait conduit à de sévères remises en cause des choix budgétaires et gestionnaires. Il est possible, mais pas certain, que l’engorgement des services ait pu conduire à ce que des personnes décèdent alors qu’avec un ensemble hospitalier plus adapté on aurait pu les sauver. Quel terrible constat !

 

En réponse, et ne sachant pas quoi faire, les autorités – sanitaires et politiques – décident d’assigner à résidence tous les français, ne les autorisant à sortir que si leur travail l’exige ou pour des activités jugées nécessaires. Je pense immédiatement à « L’ours et l’amateur des jardins » de notre grand Jean de La Fontaine. Un gros ours voit que son ami, l’amateur des jardins est gêné dans son sommeil par une agaçante mouche. N’arrivant pas à la chasser, le bon ours se saisit d’une grosse pierre et écrase la mouche sur la tête de son ami, avec les conséquences que l’on imagine.

 

Le confinement est une réponse monstrueusement disproportionnée par rapport au problème. Celui-ci est d’ordre sanitaire et la réponse dépasse trop exagérément le cadre sanitaire. C’est pour cela qu’elle ne peut être bonne. Examinons les risques colossaux qu’il fait courir :

  1. Sur le plan économique, une véritable catastrophe est à prévoir. « Le Haut Conseil des finances publiques estime que la prévision du gouvernement d'une récession à 8 % et d'un déficit public à 9 % du PIB pourrait être encore optimiste » titre « Les Echos[ii] ». On prévoit une hécatombe parmi les PME, travailleurs indépendants, artistes, restaurateurs, hôteliers, petits commerçants… Les aides promises par le gouvernement seront, si elles arrivent, sous forme de prêts, à rembourser évidemment, ce qui « exigera des années d'effort, avec des salaires bloqués et des profits consacrés au désendettement » comme le note Olivier Dousset, encore dans les Echos[iii]
  2. Cette charge économique sera, en outre, extrêmement inégale, puisque les très grosses entreprises résisteront mieux, voire profiteront de la crise pour rafler les marchés laissés par les liquidations. Les salariés ne seront pas tous touchés de la même façon, le risque de chômage étant plus grand dans les petites structures. Dans leur ensemble, ils seront moins affectés que les travailleurs indépendants. Il risque de s’ensuivre des rancœurs, des jalousies, des haines, conduisant à des troubles sociaux.
  3. Parmi les secteurs qui sont le plus touchés, certains ne sont pas du tout sûrs de redémarrer, en particulier les organisations de festivals, et tout ce qui tourne autour de la culture et du tourisme. Le secteur aérien, qui a perdu 55%, outre qu’il subira la récession économique, devra tenir compte de la peur qu’auront les passagers à prendre l’avion (La Tribune)[iv].
  4. Le gouvernement prévoit l’injection d’une grande quantité de monnaie pour sauver les entreprises. De jour en jour, l’estimation augmente ; elle est maintenant de 115 milliards. En 2019[v], le budget de l’Etat était : 229,3 milliards € de recettes, 338 milliards € de dépenses, pour un déficit de 108,7 milliards €.
  5.  De toutes ces pertes économiques résulteront bien sûr des tragédies professionnelles : les salaires sont assurés pour le moment, mais ça ne peut pas durer et il faudra renflouer les caisses d’assurance chômage
  6. Le télétravail n’est pas une sinécure et ne saurait remplacer le contact entre collègues et avec les partenaires professionnels (clients, fournisseurs, public…). D’un autre côté, la situation actuelle montre que l’on peut probablement utiliser plus le travail à distance, ce qui pourrait alléger la charge des travailleurs et économiser des déplacements. C’est un effet positif dont il conviendra de se souvenir. C’est une conséquence positive.
  7. Pour des raisons évidentes, tous les travailleurs ne sont pas confinés. Au contraire, certains sont tenus d’aller travailler. Ces derniers vivent cette obligation comme une discrimination scandaleuse à leur égard, puisqu’on les force à se confronter à une contagion que l’on a décrite comme extrêmement dangereuse. Leurs familles sont inquiètes lorsqu’ils rentrent à la maison. Les professeurs devant s’occuper des enfants de soignants, s’inquiètent également. (on trouve facilement toutes ces informations par internet).

 

J’arrête la liste des dommages quasi-certains (et des faibles effets positifs), laissant aux économistes et spécialistes du secteur professionnel le soin de préciser. Passons aux risques sanitaires, psychologiques, sociaux, éducatifs.

  1. Les médecins voient leurs cabinets quasi-vides. Or beaucoup de patients viennent consulter leur médecin pour entretenir leur santé, plus que pour soigner les maladies graves. C’est un progrès de la médecine. Que fera-t-on lorsque dans quelques temps des praticiens découvriront des pathologies qu’il aurait fallu soigner plus tôt, comme certains cancers de la peau par exemple.
  2. Les conséquences psychologiques sont aussi immenses, bien que moins visibles, surtout à court terme. La présidente de  l’association « Suicide Écoute » [vi] note que « le confinement aggrave la situation de personnes déjà fragiles psychologiquement, qui se reposaient sur des activités du quotidien extérieures pour tenir le coup. ». On voyait chez les « psy » des personnes en surmenage, on va en voir en soumenage, en dépression, en désespoir (perte d’emploi ou difficultés financières). Un garçon de 13 ans s’est suicidé à Douai. Ses parents “ont expliqué aux policiers qu’il avait été submergé par la masse de travail scolaire à la maison, depuis le début des mesures de confinement”[vii].   Francetvinfo[viii] titre, il y a deux jours « Confinement : "Cela va conduire à une augmentation des passages à l'acte suicidaire", alertent des psychiatres ». Dès le début du confinement, des psychologues avertissaient des risques psychologiques graves (cnews[ix]
  3. « Le confinement aggrave les violences conjugales. En une semaine, les interventions de police ont augmenté de 36% sur Paris et la région parisienne » titre LCI[x] le 31 mars. Les autorités se contentent de développer les numéros d’écoute et de durcir la répression. On peut pourtant parfaitement comprendre que la compression en confinement crée des conflits qui peuvent dégénérer.
  4. Marlène Schiappa craint un burn-out parental. De fait, les parents assurent une charge éducative importante qui est en temps normal assurée par les enseignants. Si ces parents assurent en outre un travail à distance, ils risquent d’être surchargés, et de se trouver en conflit familial et/ou conjugal. Par ailleurs, beaucoup de parents disent avoir passé de bons moments en famille ; le confinement a donc aussi des effets positifs sur la vie familiale, que l’on pourra peut-être conserver. Autre point positif.
  5. Les enfants sont privés de vie sociale et d’exercice extérieur alors qu’il fait très beau, et qu’ils ne risquent pratiquement pas d’être malades. Quelle invraisemblable société qui boucle ses enfants en bonne santé à cause d’un système de soin défaillant pour les adultes, en majorité âgés.
  6. Les mêmes enfants ont été privés d’école et risquent de l’être encore longtemps. Or on constate, ce que les professeurs savent depuis longtemps, que le télé-enseignement ne peut absolument pas remplacer l’enseignement en présence, pour de nombreuses raisons. Par ailleurs, l’école n’a pas uniquement une fonction d’enseignement, elle joue aussi un rôle essentiel dans la socialisation des jeunes, surtout des très jeunes. Les parents, enseignants et tous ceux qui travaillent sur l’enfance constatent que l’excès de temps passé devant des écrans nuit aux enfants, en particulier en les faisant vivre dans un monde à deux dimensions ; il s’ensuit des difficultés de situation dans l’espace. Le confinement va augmenter ce risque, qu’il sera d’autant plus difficile d’enrayer.

 

Continuons avec les conséquences culturelles, esthétiques et symboliques.

  1. La suppression des activités culturelles, outre qu’elle a un effet négatif sur le moral et est catastrophique pour les artistes, endommage un élément essentiel de notre vie : l’art. Arrivera-t-on à récupérer ce qui est perdu, je ne le sais pas, mais il y a un risque de dégradation de tout un tissu culturel et artistique. A contrario, le confinement a stimulé une grande créativité populaire qui s’est manifestée par une profusion de dessins humoristiques, de chansons satiriques et de spectacles associant les personnes d’un même immeuble. A retenir.
  2. La décision de confinement est une atteinte monumentale à la liberté dont le nom orne nos mairies, et qui est inscrite dans notre devise : la liberté fondamentale de se déplacer à sa guise sur le territoire est affreusement amputée et plus encore, celle de rencontrer les personnes de son choix. Le contact, l’échange, la rencontre amicale, la joie de la compagnie sont condamnées ; on a vu des familles stigmatisées parce qu’elles se promenaient dans un jardin public et même des amoureux verbalisés pour leurs ébats dans leur voiture. On n’a plus le droit de se promener, de vivre la relation humaine, dans la vraie vie, et non par écran interposé.
  3. Le plus terrible est l’absence de débat qui a précédé la décision annoncée par le Président de la République. Le consensus – ou plutôt son illusion – a coupé dès le départ toute possibilité d’analyse de la situation, avec la contradiction nécessaire et le doute scientifique. Toute initiative qui conduirait vers une méthode autre que le confinement, par exemple de soigner les patients avec un médicament archi connu, suscite immédiatement les réserves.
  4. On n’entend aucun leader politique, l’assemblée nationale est devenue une chambre d’enregistrement. Le discours présidentiel modéré est immédiatement critiqué et le Président débordé par ses conseillers, ses ministres et le tout puissant corps médical (je ne parle pas des médecins de base, admirables de dévouement). (francetvinfo).[xi] Cette unanimité de façade cache une inquiétante interdiction de contestation. Nous y reviendrons.
  5. L’information est complètement envahie par les propos sur l’épidémie et le confinement, ce dernier étant confondu avec la maladie elle-même. Tout est fait pour affirmer que le confinement est une conséquence indiscutable de la maladie, ce qui est faux. Les grands problèmes qui secouent notre monde sont complètement effacés.
  6. Je terminerai par une note émouvante. Les français ont été privés de Pâques, fête essentielle pour les chrétiens, et fête tout court pour les autres. Ils vont être aussi privés d’un autre moment magique de notre année : le 1° mai. Pas de muguet, pas de joie, pas de partage, pas de fête du travail. C’est dire à quel point le travail est méprisé. Et tant pis pour ceux qui travaillent un an à faire pousser les petites clochettes parfumées qui symbolisent si bien le bonheur.

 

On pourrait encore trouver des conséquences graves de cette imbécile décision. Non seulement elle n’est pas scientifique, mais une approche scientifique globale (et non exclusivement épidémiologique) aurait amené à la rejeter. On ne peut pas donner une solution abominablement plus compliquée que le problème qu’elle est sensée résoudre.

Le confinement n’est pas vraiment respecté.

On le sait, et la police a développé une véritable chasse aux contravenants. 359.000 procès-verbaux pour non-respect du confinement ont été dressés (Marianne[xii]). La maire de Vénissieux (66 000 habitants, troisième commune de l’agglomération lyonnaise après Lyon et Villeurbanne) a demandé le 26 mars des renforts de police parce que certains de ses administrés pratiquent dans la rue « barbecues, trafics illicites ou rodéos urbains » (BFM 26 mars[xiii]).   « "C’est l’anarchie totale", pestent les riverains de la Guillotière au sujet du non-respect du confinement » titre 20 minutes[xiv] le 10 avril.

 

La communication officielle a immédiatement embrayé de manière à culpabiliser les promeneurs en les taxant de mauvais citoyens. Mais cette communication refuse de considérer deux autres motivations.

D’une part, pour de nombreux citoyens, sortir dans la rue est une nécessité vitale, qui répond à la fois à un habitat trop exigu et à un mode de vie. Je pense en particulier à une jeunesse que l’on trouve surtout dans les banlieues et pour qui la vie collective entre jeunes est l’essentiel de leur vie (pas toujours légale au demeurant). Boucler chez eux des adolescents des deux sexes, en pleine vitalité, tient du supplice.

D’autre part, sortir au risque de se faire prendre est un acte de refus d’une privation inadmissible de la liberté. Le monde politique et médiatique adhérant, à quelques exceptions près, au dogme du confinement, il est très difficile de trouver des opinions différentes et on ne voit aucun débat sur le sujet « fallait-il confiner, et si oui, de quelle manière ». Le débat sur l’hydroxychloroquine a montré la toute puissance des décideurs médicaux du pouvoir central.

Si de nombreux citoyens bravent l’interdiction, ce n’est pas parce que ce sont des gaulois réfractaires indisciplinés, c’est parce qu’il perçoivent l’inanité de ce confinement. Le peuple n’est pas aussi bête qu’on pourrait le croire. On le voit d’ailleurs dans le florilège de productions humoristiques et parfois sarcastiques.

 

 

Dans un prochain article, nous essayerons de comprendre pourquoi cette invraisemblable et suicidaire décision a été prise, et pourquoi elle a suscité une approbation de façade.

 

19 avril 2020

 



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Commentaires
H
Tout à fait d'accord avec les critiques mais que fallait-il faire ? Prendre de la nivaquine.<br /> <br /> Le problème du politique est qu'il doit décider sans disposer de certitudes scientifiques.
Répondre
Bruno Décoret
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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science

Ce blog, initialisé le 9 avril 2020, a pour but un regard critique sur toutes les références faites à la science, par les acteurs politiques, médiatiques, ou autre. Il ne suffit pas de dire « c’est la science » ou « les scientifiques ont dit » pour être réellement dans un processus scientifique. La science ne peut se réduire à des incantations.

Dominique Beudin développe sur son site professionnel une résistance à la grave situation actuelle que connaît notre pays. C'est avec plaisir que je conseille sa consultation. BE-ST résitance.

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