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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science
28 janvier 2022

Personne « à risque ».

A l’heure où le « passe vaccinal » voté par l’assemblée nationale fait débat et suscite des oppositions, il n’est pas rare qu’un consensus se fasse entre certains partisans et opposants : il faudrait vacciner les « personnes à risque » appelés également « les plus fragiles ».

Gardant, autant que possible, l’attitude scientifique, je me pose naturellement la question : quelle population désignent ces deux expressions. Telle que la notion est présentée, on pourrait croire à une partition binaire de la population en deux parties disjointes : les « à risque » et les autres, que l’on désignera donc par « non à risque ».  Ce n’est évidemment pas le cas. Que ce soit pour la COVID-19 ou une autre maladie, le risque de la développer n’est pas 0 ou 1, mais se mesure par un nombre compris entre 0 et 1, une probabilité. Pour en parler, il est nécessaire de se poser (au moins) quatre questions :

  1. De quel risque s’agit-il ?
  2. Quelles sont les données qui permettent d’évaluer ce risque.
  3. Comment cette évaluation permet-elle d’agir pour diminuer ce risque et avec quel degré d’efficacité ?
  4. Qui décidera l’application auprès de chaque individu de ces mesures ?
1°) Quel risque ?

J'en vois au moins six.

  1. Risque d’être contaminé par le virus.
  2. Risque d’être malade.
  3. Risque d’être très malade et de devoir être hospitalisé
  4. Risque d’être hospitalisé en réanimation.
  5. Risque de mourir.
  6. Risque de contaminer d’autres personnes.

Le risque 1 est sans intérêt : être l’hôte d’un virus non dangereux n’est pas un problème. Les risques 2, 3, 4, 5 concernent l’individu, le 6 la société. Chercher à les prévenir n’est donc pas du même ordre. 

2°) Les données permettant d’évaluer.

Dans tous les cas,  le risque est évalué par une simple division du nombre les personnes qui ont déjà subi le sinistre (maladie, décès…) par la population totale. C’est un truc élémentaire de calcul des probabilités. Par exemple, on évalue le risque de mourir d’un accident d’avion à 0,0000054%, en divisant le nombre d’accident pas le nombre de vols.

 

-       Pour évaluer le risque 1, il est nécessaire d’avoir des tests, donc d’aller chercher une information qui n’a pas d’intérêt en soi. Cette recherche a conduit à un excès de tests, qui est pénible (notamment pour les enfants) et coûte très cher.

-       Le risque d’être malade, ou gravement malade (2 -3) s’évalue de deux manières : soit risque absolu (nombre de malades par population) soit relatif (nombre de malades légers/ graves par nombre d’infectés).

-       Il en est de même du risque de mourir, mais pour cela, il faudra distinguer entre mort à cause de la maladie ou mort avec la maladie, ce qui n’est pas facile. Par ailleurs la probabilité de décès devra être relativisée à la probabilité tout court de mourir à un moment donné, qui augmente considérablement avec l’âge.

-       Quand au risque de contamination, il ne peut être évalué que de manière générale, au niveau de grandes populations, et non d’un individu précis. En effet, le nombre et le type de contact influent très fortement le risque de transmettre. Un politicien qui serre des mains et prend des bains de foule peut contaminer plus qu’un berger dans sa montagne.

3°) Pourquoi l’évaluation du risque ?

Celle-ci est surtout intéressante pour essayer de diminuer, voire d’annuler le risque en question, ce que l’on a fait pour les accidents de la route, grâce à la ceinture de sécurité et l’airbag entre autres. Dans le cas qui nous intéresse, c’est évidemment la vaccination qui est en jeu et la question est la suivante : le fait d’être vacciné diminue-t-il le risque (1..6) et cette diminution est-elle plus forte chez certaines catégories de personnes ; est-elle en particulier fonction de l’âge.

Je crois pouvoir dire qu’il y a un relatif consensus sur plusieurs points :

-       Diminuer le risque 1 n’a pas d’intérêt. On ne vaccine pas contre le rhume de cerveau.

-       La vaccination a peu, voire pas du tout, d’impact sur le risque 6 (contagion).

-       Le risque 5 (décès) étant de plus en plus faible, la question de le diminuer encore se pose. Est-ce cela justifie de vacciner toute une population ?

-       On n’a pas de données fiables sur la diminution du risque 2 (être malade) mais on sait que le risque existe toujours. On sait aussi qu’il existe des méthodes de soin qui aident à triompher de la maladie.

-       Les risques 3 et 4 (gravement malade, éventuellement en réanimation) sont eux notoirement diminués. Ce sont les seuls qui peuvent justifier la vaccination. 

La question devient alors : est-il performant d’être vacciné pour éviter d’être, éventuellement, très malade et réanimé, et cette question varie-t-elle avec certains critères, dont l’âge, et le surpoids ? Pour y répondre, il faudra ajouter que la vaccination n’est pas une opération banale et que l’on doit aussi essayer d’évaluer les risques qu’elle représente. Ce n’est pas facile, pour les mêmes raisons qu’invoquées plus haut : ne pas confondre « problème après vaccination » et problème à cause de la vaccination ». Mais on ne peut pas raisonnablement affirmer que la vaccination est sans risque.

4°) Décision

On aborde le sujet de fond : compte tenu de l’analyse brève qui précède - en la complétant par des données plus savantes - qui doit prendre la décision de vacciner une personne ? Qui décide que le risque pour elle d’être très malade, et la promesse de l’être moins, justifient cette injection qui présente elle aussi un risque ? Qui décide que cette même personne est « à risque », autrement dit, courant un risque nettement plus probable et plus grave si elle ne se vaccine pas. Est-ce la personne elle-même, comme dans toute situation médicale ? Est-ce son, ou ses médecins ? Est-ce le pouvoir social ? Le passe vaccinal, qui est une obligation déguisée comme le dit le ministre de la Santé, renvoie à la troisième réponse : le pouvoir social décide qui doit être vacciné et selon quels critères. Bien sûr, il n’aura pas la possibilité (et le désir) d’affiner les critères et sera tenté d’en garder un seul : l’âge. On arrivera à l’équation : « personne à risque » = « personne "plus fragile" » = "personne âgée de plus de x années". Il s’agit d’une simplification à outrance qui nie tout simplement la diversité de la nature humaine, qui fait que chaque personne est unique, en toute circonstance, y compris dans la réaction qu’elle peut avoir à l’invasion par un virus.

Point de vue personnel.

Je remercie les autorités politiques et médicales de m’informer qu’un virus circule, qu’il peut devenir dangereux et me rendre très malade. Je les remercie de me préciser que le risque augmente nettement avec l’âge. Je remercie les divers médecins qui m’ont conseillé le vaccin, en tenant compte précisément de mon âge. Je leur demande de ne pas exercer une pression sur moi pour me faire prendre la décision qu’ils jugent la bonne. Surtout, je leur demande (et j’aimerais pouvoir l’exiger) d’accepter que ce moi, et moi seul, qui prenne in fine la décision en question, et qu’ils veuillent bien la respecter. 

 

 

 

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Bruno Décoret
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ScienceCritique : Réflexions sur l'usage de la science

Ce blog, initialisé le 9 avril 2020, a pour but un regard critique sur toutes les références faites à la science, par les acteurs politiques, médiatiques, ou autre. Il ne suffit pas de dire « c’est la science » ou « les scientifiques ont dit » pour être réellement dans un processus scientifique. La science ne peut se réduire à des incantations.

Dominique Beudin développe sur son site professionnel une résistance à la grave situation actuelle que connaît notre pays. C'est avec plaisir que je conseille sa consultation. BE-ST résitance.

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